Il court, il sue, il tombe (histoire vraie)

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Ce post pour vous parler du coup de chaleur de l’exercice, enfin c’est comme ça que les médecins appellent cet effet super dangereux de la chaleur sur le corps et qui peut arriver à n’importe qui, surtout jeune et en forme, la preuve ci-dessous.

(cette histoire vraie est tirée d’un cas clinique authentique proposé en Mai 2010 dans la Revue du Praticien Médecine Générale par les Dr L Garcia et MH Groff sous le titre « Cross à risque »).

C’est l’histoire d’un type jeune, 25 ans, sportif, coureur de fond, très entraîné, hygiène de vie sans défaut,  sans antécédent médical, bref en bonne santé et sain de corps.

Voilà qu’il participe à une course de fond, 15 km, a priori tranquille pour lui. Comme d’hab quoi. Une course de plus à son compteur bien rôdé. Sauf que ce jour-là, il fait 29°C dehors et pas un souffle de vent. J’oubliais de préciser: ça se passe en France, en Bretagne. Bon, 29°C, c’est chaud (surtout pour la Bretagne!) mais ça reste en-dessous du seuil des 32°C de la peau qui permettent une bonne transpiration, donc un bon contrôle de la température intérieure du corps (voir mon post « les chocs du chaud » si vous l’avez loupé). Et puis 29°C, c’est pas non plus les 32°C et plus de Singapour avec 80% d’humidité!

Sauf que pour notre athlète, l’histoire va tourner court: au bout de 30 minutes de course (les runners sauront me dire combien de km ça faisait environ), il s’écroule dans le fossé; il est conscient, il parle mais ses propos ne tiennent pas la route (pas plus que ses  jambes) et les secours sont appelés. Le médecin qui s’occupe de lui lui trouve une fièvre à 40,2°C, une tension dans les chaussettes, un cœur qui bat la chamade (150 / minutes tout de même!) et une peau sèche, archi sèche, pas une goutte de transpiration. Inutile de penser à une grippe pour la fièvre ou à une autre infection sournoise.

Fièvre au-dessus de 40°C

+

Tension en dessous de 100 (oui les anglo-saxons disent 100 mmHg ; les français s’acharnent à vouloir faire original en disant « 10 » qui correspondent à …du snobisme médical!)

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rythme cardiaque élevé

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peau sèche (zéro transpiration)

=

coup de chaleur de l’exercice (CCE)

Le CCE, c’est quoi, quand et chez qui?

Pas besoin qu’il fasse très chaud dehors: la température extérieure n’est pas le plus grand risque. En revanche, une humidité ambiante supérieure à 75% et l’absence de vent sont les gros responsables côté météo. Les personnes à risque? Toujours des jeunes bien entraînés, en très bonne condition physique, qui ne s’écoutent pas trop (ben oui, les autres, les pas entraînés, ils vont souffrir +++ et les signes précurseurs, ils vont les ressentir tellement fort qu’ils vont s’arrêter avant les gros dégâts!). Pourtant, le CCE prévient parfois (pas souvent, seulement 1 fois sur 5): ça peut commencer par une soif intense, des crampes, un mal de tête, des nausées, une sensation d’avoir trop bu. Alors, prochain footing au Mac Ritchie, on s’écoute, ok? Parce que si vous êtes dans ce cas là, facile: on s’arrête tout de suite de courir, on se met au frais (dans la clim), on s’allonge et on boit, on boit, on boit, de l’eau (of course!) et si elle est un peu salée genre Badoit ou San Pellegrino, c’est encore mieux (et surtout pas de boissons qui contiennent du sucre type « 100+ », ça aggrave le cas). Je vous ai dit 1 fois sur 5 les signes annonciateurs. Donc ça veut dire que 4 fois sur 5 (ça fait beaucoup!), le CCE ne s’annonce pas; il vous tombe dessus sans crier gare, comme ça en quelques minutes.

Le CCE, c’est une fièvre hyper élevée, qui peut grimper à 42°C, une peau brûlante, sèche, cyanosée par endroits. Les muscles sont durs et douloureux. Vomissements et diarrhée peuvent s’ajouter au tableau. L’urine (s’il y en a) prend une couleur « huile de vidange », sympa, non? La respiration peut être haletante, rapide, et même irrégulière (alors là, les secours préparent les grands moyens genre défibrillateur, vous voyez la scène?).

Et le CCE est une archi urgence: il peut mal tourner en quelques minutes ou heures. Les secours vont poser une perfusion, mettre sous oxygène au masque et doivent transporter le blessé couché dans un véhicule climatisé vers l’hôpital le plus proche (bon à Singapour, tout est proche, donc la distance Mc Ritchie SGH, ça reste acceptable!).

Sinon le CCE, ça peut s’éviter. Et là je ne résiste pas : je vous livre les recommandations des auteurs de ce cas clinique qui n’ont sans doute jamais vécu en Asie sub tropicale et sans doute encore moins couru ici et qui n’ont sans doute pas échangé avec leurs collègues en charge de la surveillance des JO de la jeunesse à Singapour il y a quelques années! (juste pour vous montrer combien parfois il y a déconnexion entre la théorie et la pratique, entre le médecin et son patient…). Je cite « pas d’épreuve sportive lors des périodes les plus chaudes et les plus humides, surtout en l’absence de vent, ou adaptation aux contraintes de l’environnement (horaires, durée) ».

On en retiendra malgré tout qu’il est indispensable de savoir reconnaitre les signes précurseurs des effets de la chaleur sur le corps et, le cas échéant, de s’arrêter tout de suite et de filer se mettre au frais : on est tout de même mieux chez soit qu’à l’hôpital, non?

Alors pour mémoire:

  • Step 1: coup de soleil (rougeurs, douleurs, fièvre, mal de tête)

 

  • Step 2: les crampes de chaleur (heat cramps) transpiration importante, douleurs musculaires typiquement à l’arrêt de l’exercice physique

 

  • Step 3: l’épuisement dû à la chaleur (heat exhaustion) Transpiration ruisselante, profuse; fatigue; sensation de faiblesse; peau froide et pâle; mal de tête; vertiges; évanouissement; vomissements; respiration rapide, haletante; Fièvre entre 38°C et 40°C;

 

  • Step 4: le coup de chaleur (heat stroke) Aucune transpiration – Peau brûlante – Fièvre très élevée – confusion mentale – perte de connaissance (ça peut commencer par ça sans aucun autre signe) – Convulsions – Coma – Vomissements, diarrhée

Vous êtes prévenus… Alors courez maintenant!